Histoire de l’abbaye de Cîteaux : des origines à nos jours

Abbaye de Cîteaux en Côte-d'Or, Bourgogne Franche-Comté © AdobeStock

Au XIe siècle, l’Église catholique connait une crise morale. Les clercs critiquent la vie, jugée trop ostentatoire, et trop proche des femmes de certains. L’ordre clunisien et le faste de son vaisseau amiral, la grandiose abbaye de Cluny, aujourd’hui en Saône-et-Loire incarne cette décadence. Les clunisiens se voient reprocher un respect peu rigoureux de la règle de Saint Benoit.

Certains moines souhaitent revenir à un idéal de vie plus austère et sobre. Loin du monde et fidèle à la règle traditionnelle bénédictine. Ainsi, en opposition au faste de l’abbaye de Cluny et de son ordre, un monastère est fondé à Cîteaux, en Côte-d’Or.

Découvrez l’histoire de l’abbaye de Cîteaux, berceau de l’ordre cistercien, de ses origines à nos jours !

Origine de l’abbaye de Cîteaux

Le fondateur : Robert de Molesme

Accompagnés de quelques moines désireux d’un mode de vie plus austère. Le moine bénédictin Robert de Molesme fonde, en 1098, un nouveau monastère, dans la plaine de la Saône.

Le lieu choisi pour implanter cette nouvelle abbaye ressemble à un désert avec des marécages couverts de joncs, aussi appelés cistels, qui donnent leur nom à l’abbaye de Cîteaux !

Cependant, cette implantation est également stratégique. Elle se trouve sur une importante voie commerciale, entre Beaune et Dijon et non loin de la Saône.

Représentation de Robert de Molesme, Premier abbé de Cîteaux

Albéric et Etienne Harding, premiers abbés de Cîteaux

Miniature du XIIIe siècle figurant les trois abbés fondateurs de l'abbaye de Citeaux : Robert de Molesme, Albéric de Cîteaux et Etienne Harding © Sconosciuto
Miniature du XIIIe siècle figurant Robert de Molesme, Albéric de Cîteaux et Etienne Harding © Sconosciuto

Après le départ de Robert de Molesme, Albéric devient à son tour l’abbé de Cîteaux. Il rend la règle bénédictine plus stricte. C’est lui qui introduit, dans le monastère, le port du capuchon blanc, qui devient une caractéristique des moines cisterciens.

Au début du XIIe siècle, le troisième abbé de Cîteaux, Étienne Harding, venu d’Angleterre, rédige la Charte de Charité cistercienne. Elle définit les usages propres à Cîteaux et dans les abbayes-filles.

Que ce soit dans le domaine spirituel ou dans la vie matérielle, Etienne Harding ne laisse rien au hasard. Il va jusqu’à indiquer aux moines la manière dont cochons doivent être élevés !

Montée en puissance de l’abbaye de Cîteaux : XII-XIVe siècles

Bernard de Clairvaux

Au cours du XIIe siècle, Cîteaux peine à trouver un véritable succès. La situation évolue avec l’arrivée de Bernard de Fontaine, futur saint Bernard. En 1112, il se présente à Cîteaux, en compagnie d’une trentaine de moines, venant alors gonfler les rangs de l’abbaye.

Bernard de Clairvaux et ses compagnons initient la fondation d’une multitude d’abbayes-filles. Les premières sont celles de Pontigny, près d’Auxerre en 1114, de Morimond et de Clairvaux en 1115. Bernard de Fontaine devient Bernard de Clairvaux lorsqu’il devient abbé en 1115.

Parmi les autres abbayes dont il préside la fondation, on compte, en 1118 l’abbaye de Fontenay, en Côte-d’Or. Inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, elle est aujourd’hui la plus ancienne abbaye cistercienne conservée.

Au-delà de son pouvoir monastique, Bernard exerce une forte influence dans la vie religieuse de son époque. Il intervient régulièrement auprès du roi de France, du pape. En 1146, lors du jour de Pâques, il prêche à Vézelay la deuxième croisade à cause de la menace qui pèse sur le royaume de Jérusalem.

Vitrail figurant saint Bernard de Clairvaux – vers 1450 – conservé au Musée de Cluny © Jasow
Vitrail figurant saint Bernard de Clairvaux – vers 1450 – conservé au Musée de Cluny © Jasow

Les abbayes-filles de l’ordre cistercien

Abbaye de Fontenay en Côte d'Or, Bourgogne, vue en drone © Histoires de patrimoine
Abbaye de Fontenay en Côte d’Or vue en drone © Histoires de patrimoine

Ces abbayes-filles jouissent d’une large autonomie, chacune a le droit d’élire son propre abbé. Même si, chaque année, l’abbé de Cîteaux visite chaque abbaye-fille pour veiller à la bonne discipline des communautés. Aussi, l’ensemble des abbés de l’ordre cistercien se réunissent chaque mois de septembre, dans le Définitoire de Cîteaux, lors du Chapitre général.

Lorsque Bernard de Clairvaux meurt, en 1153, l’abbaye de Cîteaux est la maison de mère de l’ordre cistercien avec plus de trois cents abbayes-filles.

Au cours du XIIIe siècle, l’ordre voit fleurir plus de sept cents monastères en France, en Europe et surtout en Terre Sainte, symbole de son prestige.

Cîteaux : Un haut lieu de la chrétienté

Grâce au rayonnement de son ordre, l’abbaye de Cîteaux acquiert une grande renommée.

Après avoir donné des terres à Robert de Molesme, en 1098, pour la fondation de l’Abbaye de Cîteaux, Eudes Iᵉʳ de Bourgogne (1079-1102) est le premier des ducs de Bourgogne inhumé sur ce site. À sa suite, une nécropole se forme. Une soixantaine de membres de la famille ducale sont inhumés sous le porche du monastère et non pas à l’intérieur de l’abbatiale, seul les rois, les reines, les archevêques et les évêques en ont le privilège.

Cîteaux : véritable petite cité

Maquette de l’abbaye au XVIIe siècle. ©️Arnaud 25

À son apogée, à la fin de l’Ancien Régime, l’enclos du monastère représente une superficie de douze hectares. Il se constitue de l’église abbatiale, Notre-Dame de Cîteaux, lieu de spiritualité et des bâtiments conventuels, où vivent les moines (dortoirs, cloître, salle capitulaire, définitoire) et où ils mènent leurs travaux d’écriture (scriptorium).

Les frères convers qui travaillent dans les champs fréquentent les bâtiments agricoles (granges, écuries).
En effet, les possessions des moines de Cîteaux s’étendent bien au-delà de l’enclos du monastère. Ils mènent un vaste travail de défrichage et de valorisation des terres pour agrandir leur domaine. Leurs possessions se composent, entre autres, de champs, de bois, d’étangs et surtout de vignes.

Lettrine représentant un frère convers, ©️Arnaud 25

Les cisterciens aux origines d’un savoir-faire emblématique de Bourgogne

Très importante dans la vie monastique et spirituelle, la culture de la vigne permet de produire le vin, boisson sacrée, qui symbolise le sang du Christ. Les moines de Cîteaux détiennent de nombreuses parcelles viticoles sur les Côtes de Beaune, de Nuits-Saint-Georges, mais aussi de Chablis et du Chalonnais.

À côté de ces parcelles, les moines élèvent de nombreux celliers, caves et pressoirs. Le Clos de Vougeot, situé au cœur des vignes de la Côte de Nuits-Saint-Georges, est un exemple emblématique de bâtiment d’exploitation viticole, construit par les moines cisterciens.
Selon la légende, les Cisterciens goûtaient la terre pour déceler la qualité d’un terroir. Ce sont eux qui sont à l’origine de la délimitation des Climats de Bourgogne.

Chateau du clos de Vougeot au coeur des climats ©️Histoires de patrimoine

Le précieux Atlas de Cîteaux, conservé aux archives départementales de la Côte-d’Or, répertorie l’ensemble des possessions des Cisterciens.

Ora, lege et labora, «prie, lis et travaille»- le quotidien des moines cisterciens

La tradition bénédictine

Les moines cisterciens suivent la règle de saint Benoit de Nursie, rédigée au VIe siècle. Elle impose une vie austère, de prière et de travail, en communauté, loin de la société. Ils doivent une obéissance stricte à l‘abbé, qui est l’équivalent du Christ sur Terre.

Étienne Harding rend la tradition bénédictine encore plus rigoureuse. Par exemple, les moines suivent un régime alimentaire strict, sans viande et sans graisse. Il n’y a que deux repas par jour,  qui doivent se dérouler dans le silence absolu.

La règle vise à atteindre un idéal de pauvreté

À l’instar du Christ, les moines cisterciens renoncent à la richesse et vivent selon un idéal de pauvreté. Ce choix des moines de Cîteaux est une critique de ce qui se fait à Cluny, où les moines se vêtissent avec des habits teints et où l’abbé se donne pour devoir d’ornementer l’abbatiale avec de beaux vitraux et des manuscrits richement enluminés.

Vitrail typique de l’art cistercien, Pontigny (89, Yonne) ©️Urban

Au contraire, les moines de Cîteaux prônent la pureté. Leurs habits sont entièrement blancs. La simplicité et la sobriété caractérise le lieu de vie des moines. Les bâtiments ne doivent pas être sculptés, ni être décorés par des objets de luxe. Les vitraux sont obligatoirement blancs et décorés avec uniquement des motifs géométriques. Le seul motif végétal autorisé est celui de la cistel, symbole de l’ordre.

Ce souci de simplicité est idéologique, mais il est aussi pratique. Il permet d’éviter la distraction lorsque les moines prient en silence.

L’importance des temps consacré à la prière

Sept temps de prière rythment la journée des moines. En pleine nuit, les moines célèbrent les Matines à 1 heure puis les Laudes à trois heures. Viennent ensuite, l’office des Tierces à neuf heures, les Sextes à midi, les Nones à quinze heures. Enfin, il y a deux temps de prières en soirée : les Vêpres à dix-sept heures et les Complies au coucher du soleil.

Lors de ces offices, les moines lisent des passages de la Bible, prient en silence, et chantent des psaumes.

Détail des temps de prières quotidiens des Cisterciens ©️Dietrich

La place du travail :

L’idéal de pauvreté des moines de Cîteaux se caractérise par leur souci de vivre en autarcie, sans avoir à dépendre du monde extérieur. Les moines travaillent pour répondre à leurs besoins, il s’agit d’une spécificité de l’ordre cistercien.
Chaque matin, les moines se retrouvent dans la salle du capitulaire, afin de se répartir les tâches de la journée.

Pour les travaux agricoles et viticoles, les moines emploient des frères convers, des laïcs, logés et nourris au monastère. Dans certains monastère, il existe d’autres activités lucratives, comme à Fontenay, où l’on trouve une activité de sidérurgie.

De leur côté, les moines s’adonnent surtout à leurs travaux de copistes qui consistent à rédiger et à enluminer des manuscrits de textes sacrés.

Manuscrit et enluminure de l’ancien scriptorium. ©️Arnaud25
Salle du scriptorium à l’abbaye de Cîteaux. ©️Christophe Finot

L’Abbaye de Cîteaux, à l’épreuve

Cîteaux au cœur de la Révolution française.

À l’aube du XIXe siècle, le monastère connait des tensions internes lorsque survient la Révolution.

Les révolutionnaires détruisent ou vendent des bâtiments conventuels, dont l’église, la bibliothèque ou encore le Définitoire, et les moines sont chassés.

L’abbaye de Cîteaux est alors mise en vente, en tant que bien national en 1791, à une société de notables dijonnais pour l’importante somme de 862 000 livres.

Cîteaux au XIXe siècle

Tout au long du XIXe siècle, l’abbaye de Cîteaux ne cesse de changer de propriétaire et devient à partir de 1846 un centre pénitentiaire jusqu’en 1853, lorsque l’Etat la rachète.

Même si les moines ont été chassés, certains moines restent fidèles à leur engagement et fuient jusqu’en Russie.

L’abbaye de Cîteaux des années 1900 à nos jours

Le retour des moines

Il faut attendre 1898, avant de voir revenir des moines à Cîteaux. Ce retour, se fait avec de grandes difficultés financières, ce qui force les moines à vendre des parts de leur domaine.

Durant la Première Guerre mondiale, l’abbé offre une partie des bâtiments de l’abbaye pour installer un hôpital d’arrière-front.

Malgré la situation difficile de l’abbaye de Cîteaux, l’ordre cistercien attire toujours, comptant quatre-vingt-huit moines à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ouverture de l’Abbaye de Cîteaux au public

L’église abbatiale du monastère est rénovée en 1970, dans un style contemporain. Dans un esprit novateur, certaines messes sont ouvertes au public. Ceci représente un élément de modernité face à la tradition monastique qui force les moines à se couper de la société extérieure.

Classée Monument historique depuis 1978, l’abbaye de Cîteaux est désormais un lieu important du patrimoine et du tourisme en Bourgogne.

Une part de son attractivité tient également à la renommée de son fromage, fabriqué à partir du lait de soixante vaches élevées par les moines.

Fromage de l’Abbaye de Cîteaux ©️Domaine public

Aujourd’hui, l’ordre cistercien rayonne toujours avec plusieurs centaines d’abbayes en activité sur tous les continents. En 2009, un nouveau monastère cistercien a même été réinstauré à Munkeby en Norvège, 700 ans après sa première fondation.

Planisphère avec points lumineux indiquant la présence d’une abbaye cistercienne ©️Arnaud25

Pour plus d’informations sur la visite : site officiel de l’abbaye de Cîteaux.

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