L’abbaye de Fontenay : plus ancienne abbaye cistercienne de France !

Abbaye de Fontenay en Côte d'Or, Bourgogne, vue en drone © Histoires de patrimoine

L’abbaye de Fontenay, au cœur du département de la Côte-d’Or, est la plus ancienne abbaye cistercienne conservée dans le monde. Son caractère exceptionnel et son environnement naturel en ont fait un des premiers sites français inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, dès 1981.

Il y a 900 ans, des moines cisterciens s’installent dans ce vallon reculé de la région de Montbard, au cœur des forêts et des marécages. Cette abbaye du XIIe siècle dévoile une architecture épurée à la beauté hors du commun. Rien ou presque n’a changé depuis ce temps où l’ordre cistercien était l’un des plus puissants ordres monastiques de la chrétienté médiévale !

Église abbatiale de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

La règle de saint Benoît comme idéal monastique

Les moines de Fontenay cherchent, comme le veut l’ordre cistercien, à se tenir éloignés des centres urbains. Cet ordre monastique, fondé en 1098 à Cîteaux, au sud de Dijon, souhaite appliquer, le plus strictement possible, la règle de saint Benoît, établie au VIe siècle.

En réaction au faste et à l’opulence des moines de Cluny, Robert de Molesmes, fondateur de l’ordre souhaite revenir fondements de la règle bénédictine : orare et laborare, c’est-à-dire, prier et travailler. C’est un retour radical à une vie ascétique et austère.  La figure emblématique de cette nouvelle doctrine est Bernard de Clairvaux. Il fonde Fontenay, abbaye fille de Clairvaux, pour qu’elle s’inscrive dans cet idéal monastique.

Abbaye de Fontenay à Marmagne, Côte-d’Or © Histoires de patrimoine

Fondation de Fontenay par saint Bernard de Clairvaux

Saint Bernard, abbé de Clairvaux envoie, en 1118, des moines bâtir une nouvelle abbaye au cœur du duché de Bourgogne. Ils assèchent cette zone marécageuse qu’ils nomment « Fontenay », du latin fontanus, en raison des nombreuses sources d’eau qui irriguent le lieu.

Dans cet espace reculé et préservé, la végétation conserve encore le souvenir des premiers occupants de l’abbaye. De nombreux sentiers, empruntés autrefois par les pèlerins et les moines, subsistent aujourd’hui. Un ancien chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, menant à Vézelay, passait par l’abbaye de Fontenay.

Le premier bâtiment en pierre que les moines érigent est la chapelle Saint-Paul dont on peut encore admirer la tour octogonale. Les falaises calcaires qui bordent l’abbaye servent de carrière pour élever les bâtiments. Viennent ensuite les espaces de vie du quotidien : la salle d’étude et de travail et à l’étage le dortoir, puis le réfectoire et la cuisine.

Vitrail figurant saint Bernard de Clairvaux – vers 1450 – conservé au Musée de Cluny © Jasow
Bâtiments les plus anciens de l’abbaye de Fontenay ( à droite de l’image) © Histoires de patrimoine

Aux XIIe et XIIIe siècles, le monastère s’agrandit constamment pour s’adapter à l’augmentation de la communauté de moines. Elle atteint son apogée au milieu du XIVe siècle alors qu’une centaine de cisterciens occupent les lieux.

Au milieu de ces forêts giboyeuses, les moines vivent en autarcie. Les convers cultivent les terres dans un rayon de 20 kilomètres autour de l’abbaye. Les bâtiments témoignent de leur capacité à subvenir eux-mêmes à leurs besoins : boulangerie, chauffoir, infirmerie, pigeonnier…

Abbaye de Fontenay à Marmagne, Côte-d’Or © Histoires de patrimoine

L’église abbatiale de Fontenay : sobriété et pureté

La construction de l’église abbatiale débute en 1138, grâce à de larges dons de mécènes dont celui d’Ébrard, évêque de Norwich, exilé vers 1139 ou 1145 à Fontenay. Le pape Eugène III, en séjour en Bourgogne, bénit et consacre l’église abbatiale à la fin des travaux en 1147. Cela renforce la légitimité de la communauté.

Église abbatiale de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

Véritable chef d’œuvre du style roman, l’église abbatiale, en forme de croix latine, procure un sentiment d’harmonie et de dépouillement. Seuls quelques vitraux blancs laissent entrer quelques rayons de lumière dans cette église, qui invite au silence et au recueillement.

Un dallage polychrome, du XIIIe siècle, recouvre le chœur de l’église. La nef possédait également un dallage simple. Mais, au cours du XVIIIe siècle, les sources souterraines remontent et le dalles sont retirées pour laisser le sol sécher. Elles n’ont jamais été remises.

Pour suivre les préceptes édictés par la règle bénédictine, l’architecture de l’église est sobre et épurée. En effet, il ne faudrait pas que les moines soient distraits, durant les offices, par des images ostentatoires. Ils se doivent d’être tournés uniquement vers l’essentiel, c’est-à-dire la prière adressée à Dieu.

Église abbatiale de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

Seule exception à cette règle, une statue de Vierge à l’Enfant, dans le transept nord, témoigne de la dévotion mariale des moines. Cette Vierge dite de Fontenay, datée de la fin du XIIIe siècle, est un chef-d’œuvre de la sculpture bourguignonne médiévale.

Vierge à l’enfant de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

La splendeur de l’édifice témoigne du mariage réussi de la rigueur de la règle bénédictine conjuguée au raffinement et à l’excellence technique des artisans bourguignons.

Le cloître de l’abbaye de Fontenay : chef-d’œuvre de l’art roman

Le cloître, élément central de l’abbaye, est un lieu de circulation entre les différents organes de l’abbaye. Bâti au XIIe siècle dans le style dépouillé de l’art roman, le cloître laisse place à la réflexion et à la prière.

Sur ses chapiteaux sont sculptés des motifs de végétaux, principalement des citelles. Ce sont ces plantes, sortes de roseaux, qui ont donné leur nom à l’abbaye de Cîteaux, où a été fondé l’ordre cistercien. Cette abbaye ayant été fondée sur un site de Côte-d’Or, où prospéraient ces plantes d’eau, elles sont devenues son emblème, puis celui de l’ensemble de l’ordre religieux.

Cloître de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

Une sérénité particulière émane du cloître de l’abbaye de Fontenay, qui se teinte d’une lumière dorée lorsque le soleil vient se refléter sur sa pierre blonde de Bourgogne.

Le travail et la prière : vie des moines à Fontenay 

La journée des moines cisterciens débute avec les Vigiles, premier office de la journée, généralement vers 2 h 30 du matin. Les religieux accèdent directement au transept sud de l’église, relié au dortoir par un escalier de pierre. Sous une exceptionnelle charpente en chêne, les moines dorment sur des paillasses disposées à même le sol. La vaste salle dépourvue de fermetures aux fenêtres et de cheminée connaît des températures négatives en hiver.

Dortoir de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

Le matin, après les Laudes, les moines se réunissent dans la Salle capitulaire afin d’écouter la lecture d’un chapitre de la Règle de saint Benoît. Les tâches de la journée de chacun sont ensuite réparties. En effet, les moines sont polyvalents et à même d’accomplir tous les travaux de la communauté. La salle capitulaire sert également à l’élection des abbés.

Dans la Salle des Moines, ou Scriptorium, les copistes se consacrent à la copie et à l’enluminure des manuscrits. C’est l’une des rares pièces qui bénéficie d’un peu chauffage, pour éviter que l’encre ne gèle dans les encriers. La bibliothèque de l’abbaye matérialise la vie intellectuelle et spirituelle de l’ordre cistercien. Certains manuscrits produits à Fontenay sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France.

Scriptorium de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

Les offices religieux ponctuent ces travaux toutes les 3 heures. Les moines travaillent à la lumière du jour : 17h par semaine en hiver et 23h par semaine en été !

Fontenay : première usine sidérurgique d’Europe !

Située à l’écart, une forge permet aux moines d’exploiter le minerai qu’ils extraient des filons environnants. Cette activité apporte à l’abbaye des ressources financières importantes par la vente de leurs productions.

Au XIIIe siècle, la forge de Fontenay est l’une des premières usines sidérurgiques d’Europe ! Cette activité de métallurgie garantit à l’abbaye de Fontenay une prospérité économique.


De l’abbaye royale aux bâtiments industriels…

Dès 1269, l’abbaye bénéficie d’une protection royale. Ce statut privilégié lui permet d’accroître son influence et d’accueillir à son apogée, au XIVe siècle, jusqu’à 300 moines et convers. Les rois Jean II le Bon, Charles VIII puis Louis XII viennent confirmer le caractère royal de l’abbaye.

Cependant, cette protection royale n’empêche pas les nombreux pillages que subit la communauté. Au cours de la guerre de Cent Ans, en 1359, le roi Édouard III d’Angleterre saccage l’abbaye. Puis, vers 1557, les bâtiments subissent de nouveaux pillages avec le passage des troupes protestantes. L’abbaye ne compte plus que 150 moines et convers au XVIe siècles.

Alors que la Bourgogne est rattachée au royaume de France, à la fin du XVIe siècle, l’abbaye est soumise au régime de la Commande. Le roi et non plus les moines nomme les abbés. Ceux-ci ne s’intéressent plus au développement de la communauté.

La vie monastique s’essouffle progressivement. Les moines sont même contraints de détruire certains bâtiments, dont le réfectoire, faute de moyens pour les entretenir.

Abbaye de Fontenay, vue sur le logis abbatial, élevé en 1740 © Histoires de patrimoine

À la Révolution française, les moines ne sont plus que huit. Après leur expulsion, l’abbaye est vendue comme bien national en 1791. Elle est rapidement transformée en papeterie, par un riche bourgeois, nommé Claude Hugot. Cette papeterie sauve l’abbaye de sa destruction en évitant qu’elle soit transformée en carrière de pierre.


L’abbaye de Fontenay : patrimoine mondial de l’humanité

En 1820, Élie de Montgolfier, descendant des géniaux inventeurs des montgolfières, rachète l’abbaye et son activité industrielle. Des machines de papeteries sont installées jusque dans l’église abbatiale. L’ensemble, ainsi préservé est classé monument historique dès 1862.

À la fermeture de la papeterie, en 1903, Rose Montgolfier et Edouard Aynard, son époux, s’installent à Fontenay. Ils débarrassent le site de ses oripeaux industriels et consacrent leur fortune à de grands travaux de restauration, afin de faire renaître l’abbaye. Leur petite-fille Christine, plus connue sous le nom d’Andrée Putman, passe la plupart de ses vacances en ce lieu, qui l’inspire beaucoup dans sa carrière d’architecte d’intérieur !

Abbaye de Fontenay vue du ciel © Histoires de patrimoine

Cinq générations plus tard, l’abbaye reste la propriété privée de la famille Aynard, qui continue de préserver les bâtiments. Magnifiquement restaurée, l’abbaye offre, avec son parc de 2 hectares, un lieu privilégié où règnent le silence et la sérénité.

Grâce au travail d’Hubert Aynard et de son épouse Dominique, les jardins sont classés « Jardin Remarquable » en 2004. L’architecte paysagiste Peter Holmes a redessiné le parc, à la fin du XXe siècle. Il s’inspire des moines, et recréé également un Jardin des Simples, composé de plantes médicinales. Une promenade à travers cette végétation variée révèle toute la beauté de ce site unique.

Parc de l’abbaye de Fontenay © Histoires de patrimoine

L’abbaye de Fontenay dans la culture populaire

Le cadre splendide de l’abbaye de Fontenay a inspiré bon nombre de réalisateurs venus tourner ici en décor réels…

Parmi les plus célèbres : la trilogie d’Angélique Marquise des Anges (1964-1966), Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau (1990) ou encore Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (1961).

Plus récemment, en 2023, l‘abbaye de Fontenay a représenté la région Bourgogne-Franche-Comté dans l’émission Le Monument Préféré des Français, présenté par Stéphane Bern.

Pour en savoir plus sur l’Abbaye de Fontenay.

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